compagnonscharpentiers du Devoir de LibertĂ©. Il propose quelques chefs-d'Ćuve du ta Ă© de charpente et des commentaires sur le compagnonnage. Bibliographie Jean-Baptiste-Ădouard ARNAUD, MĂ©moires dâun compagnon du tour de France, Hachette Bnf, 1859. Lâauteu expose des rĂ©flexions intĂ©ressantes sur sa vie de compagnon boulanger au XIXe
PubliĂ© le 03/01/2017 Ă 0350 , mis Ă jour Ă 0738 Depuis le dĂ©but des temps, l'homme a toujours façonnĂ© la pierre, que ce soit pour reproduire des formes, ou pour son habitat. Nous avons voulu nous approcher de ce mĂ©tier peu connu, tailleur de pierres, Ă travers un des spĂ©cialistes lotois en la matiĂšre Cyril Delaporte. Bonjour Cyril, en quoi consiste le mĂ©tier que vous exercez ? Le tailleur de pierres participe actuellement, Ă la construction, Ă la restauration et Ă l'entretien aussi bien sur l'habitat courant que sur les monuments historiques. Quel a Ă©tĂ© votre parcours dans cette profession ? Mon parcours est un peu atypique, j'Ă©tais en Ă©tudes supĂ©rieures lorsque j'ai dĂ©cidĂ© d'arrĂȘter celles-ci, pour rejoindre les Compagnons du devoir. J'ai fait mon Tour de France» qui a durĂ© 8 ans puis je suis allĂ© 10 ans en Egypte pour le CNRS dans le cadre du Patrimoine mondial pour travailler sur le site du temple de Karnak, avant de revenir en France pour me mettre Ă mon compte Ă Ussel. Pourquoi avez-vous choisi ce mĂ©tier ? Je suis originaire d'Amiens et lorsque je passais devant la cathĂ©drale, je me disais que c'Ă©tait cela que je rĂȘvais de faire avec mes mains et un ciseau. Pour moi c'est le chef-d'Ćuvre, l'excellence qui passe les siĂšcles. Mon pĂšre, qui Ă©tait dans le bĂątiment, m'a conseillĂ© d'aller aux portes ouvertes que proposaient les compagnons du devoir Ă Villeneuve d'Ascq. Ma voie Ă©tait tracĂ©e. Quelle est la qualitĂ© majeure pour pratiquer votre art ? La qualitĂ© majeure d'un tailleur de pierre c'est la patience. Le mĂ©tier n'a rien d'exceptionnel, comme tous les mĂ©tiers, ça s'apprend et les Compagnons sont lĂ pour ça. Mais au dĂ©but, les premiers coups de ciseau, l'Ă©querrage, ne sont pas simples et lorsqu'aprĂšs plusieurs dizaines d'heures de travail sur une piĂšce et qu'elle casse, il faut savoir garder son calme et recommencer sans broncher. La citation de Boileau pourrait trĂšs bien illustrer notre profession Cent fois sur le mĂ©tier remettez votre ouvrage». L'habiletĂ©, la maĂźtrise ça s'apprend, mais la patience il faut l'avoir en soi. Cyril Delaporte. lieu-dit cap del liot 46240 Ussel. Portable 06 86 83 69 78. ï»żdessins les maquettes dâĂ©lĂšves, les chefs-dâĆuvre de compagnons. 1928 : le musĂ©e est construit Ă cĂŽtĂ© de son Ă©cole pour accueillir lâensemble de la collection de Pierre-François Guillon. 2009 et 2010 : lâUnesco a inscrit le tracĂ© de charpente et le compagnonnage au patrimoine mondial immatĂ©riel de lâhumanitĂ©. APPRENDRE UN MĂTIER MANUEL AVEC LES 1Parler de compagnonnage Ă©voque immĂ©diatement la notion de transmission des savoirs. Câest au demeurant sous lâintitulĂ© descriptif et explicite de Le compagnonnage, rĂ©seau de transmission des savoirs et des identitĂ©s par le mĂ©tier » quâen 2010 lâUnesco lâa inscrit sur la liste reprĂ©sentative du patrimoine culturel immatĂ©riel de lâhumanitĂ©. 1 La recherche sur les compagnonnages français souffre dâun dĂ©ficit dâĂ©tudes sĂ©rieuses, mĂȘme si depu ... 2 Sur les confusions et interfĂ©rences entre franc-maçonnerie et compagnonnage, voir MathoniĂšre ... 3 Sur la question de la transmission dans les compagnonnages, voir MathoniĂšre, La transmissi ... 2Mais il est difficile de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment ce en quoi consiste, au travers des Ăąges, le compagnonnage1. Ă lâimage ambiguĂ« de la transmission de maĂźtre Ă disciple de procĂ©dĂ©s et de tours de main plus ou moins secrets se superpose lâaura mystĂ©rieuse de rites initiatiques plongeant leurs racines dans la nuit des temps. Au-delĂ des clichĂ©s romantiques complaisamment colportĂ©s et de la confusion frĂ©quente avec la franc-maçonnerie2, quâen Ă©tait-il vraiment, dans un passĂ© pas si lointain, un passĂ© dâavant les grilles de lecture anthropologiques qui, employĂ©es sans recul quant Ă la validitĂ© historique des sources, peuvent quelquefois nous entraĂźner Ă Ă©riger des totems anachroniques ? Peut-on vraiment rĂ©duire le mouvement compagnonnique Ă une transmission de savoirs professionnels ? La transmission de rites et de croyances ne serait-elle pas bien plus dĂ©terminante de son identitĂ©3 ? 3Ătudiant depuis plus de vingt ans le cas des compagnons tailleurs de pierre Ă partir de sources fiables, je vous propose dâen dĂ©couvrir quelques aspects afin de disposer dâun matĂ©riau ne prĂ©sumant pas de la rĂ©ponse avant mĂȘme dâavoir posĂ© les questions. 4 Câest A. Perdiguier, premier historiographe des compagnons, qui, en publiant en 1841 son cĂ©lĂšbre L ... 4Ce quâil convient de retenir des avancĂ©es rĂ©centes sur lâhistoire des compagnonnages jâinsiste sur ce pluriel, câest quâen rĂ©alitĂ©, nombre dâusages que lâon croyait trĂšs anciens et communs Ă tous les mĂ©tiers, par exemple la pratique du chef-dâĆuvre de rĂ©ception ou encore le tour de France, ne le sont pas nĂ©cessairement. On devrait Ă©viter de parler du compagnonnage au singulier4. 5Ainsi, avant le milieu du xxe siĂšcle, les tailleurs de pierre ne pratiquaient pas lâĂ©preuve du chef-dâĆuvre sous forme de modĂšle rĂ©duit dâun Ă©lĂ©ment dâarchitecture afin dâĂȘtre reçus compagnons. Et avant le dĂ©but du xixe, le tour de France nâĂ©tait pas chez eux une sorte de pĂ©riple initiatique » oĂč, au grĂ© dâun certain nombre dâĂ©tapes, ils franchissaient des Ă©preuves afin dâĂȘtre in fine investis du titre de compagnon. En rĂ©alitĂ©, ce voyage, qui nâĂ©tait pas un tour systĂ©matique de toute la France, durait alors le temps quâils jugeaient nĂ©cessaire ou quâils pouvaient y consacrer avant de revenir dans leurs foyers pour sây marier et prendre la succession de lâentreprise familiale. La durĂ©e moyenne Ă©tait gĂ©nĂ©ralement de quatre ans, et câĂ©tait un tour des grandes mĂ©tropoles Ă©conomiques rĂ©gionales oĂč leur sociĂ©tĂ© compagnonnique possĂ©dait des siĂšges, câest-Ă -dire que le compagnonnage Ă©tait avant tout un rĂ©seau de solidaritĂ© fraternelle auquel on adhĂ©rait avant mĂȘme de partir sur les routes, ainsi quâen attestent clairement les rĂšglements du xviiie siĂšcle. Câest seulement Ă partir du dĂ©but du xixe que, par un phĂ©nomĂšne dâuniformisation des pratiques compagnonniques, sâest instaurĂ© chez les tailleurs de pierre un vĂ©ritable statut prĂ©liminaire dâaspirant, dâune durĂ©e de plus en plus longue, lâaccĂšs au titre de compagnon intervenant au terme de la rĂ©alisation dâune partie significative du tour de France. 6Oublions un instant ce que lâon croit dĂ©jĂ savoir sur le sujet et portons un regard neuf sur les faits et les documents eux-mĂȘmes. 7La transmission des savoirs chez les compagnons tailleurs de pierre des xviiie et xixe siĂšcles pourquoi cette limitation chronologique ? Pour la pĂ©riode antĂ©rieure, nous ne possĂ©dons pas suffisamment de ressources documentaires on peut penser que les compagnons sont les hĂ©ritiers directs des bĂątisseurs de cathĂ©drales », mais pour ce qui concerne leur mode particulier dâorganisation, nous nâen avons pas la preuve absolue. Pour la pĂ©riode retenue, nous avons la chance de disposer de ressources documentaires suffisantes. Par ailleurs, je nâai pas souhaitĂ© englober la pĂ©riode contemporaine, car les pratiques ont trop Ă©voluĂ© pour quâil soit possible, en si peu dâespace, dâexpliquer pourquoi et comment. On soulignera Ă©galement que les discours sur la transmission, trĂšs tendance » Ă lâheure actuelle, contribuent Ă en modifier la nature rĂ©elle. Quel savoirs ? 8La premiĂšre question est bien Ă©videmment quels savoirs Ă©taient-ils transmis ? 5 DĂ©couvert en 1996, ce fonds a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par L. Bastard et moi-mĂȘme et il a fait lâobjet dâune pub ... 6 Voir chap. Le rĂŽle », dans L. Bastard et MathoniĂšre, Travail et honneurâŠ, p. 38-50. 7 Voir chap. Le rĂŽle atypique de 1782 », dans L. Bastard et MathoniĂšre, Travail et honneurâŠ,... 9Parmi les dĂ©couvertes ayant le plus contribuĂ© Ă amĂ©liorer nos connaissances figurent les archives des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon, archives qui couvrent de maniĂšre Ă peu prĂšs continue la pĂ©riode allant du dĂ©but du xviiie siĂšcle Ă 18705. Le document le plus remarquable est un rĂŽle en date du 1er janvier 1782. Le rĂŽle est tout Ă la fois un document administratif et un document sacrĂ©6 câest pendant son dĂ©voilement aux candidats que ceux-ci sont littĂ©ralement sacrĂ©s » compagnons. Le frontispice de celui de 17827 est dâune ampleur inĂ©galĂ©e fig. 1 il nous prĂ©sente notamment les savoirs cultivĂ©s dans cette sociĂ©tĂ© compagnonnique, ou du moins, ceux qui y sont Ă lâhonneur. Câest Ă partir de ce rĂŽle que nous explorerons ce sujet. Fig. 1. â Frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon en date du 1er janvier 1782. Arch. dĂ©p. Vaucluse, 1J 647/4. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre Le mĂ©tier de tailleur de pierre La taille de pierre 10Pour entrer dans les rangs de la confrĂ©rie, il convenait dâĂȘtre dĂ©jĂ formĂ©, ainsi que le stipule en 1778 lâarticle premier du rĂšglement des compagnons passants tailleurs de pierre de Bordeaux 8 L. Bastard et MathoniĂšre, Travail et honneurâŠ, p. 61-66. Tout tailleur de pierre qui se prĂ©sentera pour ĂȘtre reçu compagnon passant sera tenu de faire preuve [âŠ] de capacitĂ© suffisante dans le mĂ©tier par une ou plusieurs piĂšces de traits et par le tĂ©moignage de compagnons qui cautionneront que lâaspirant est capable de travailler du marteau8. » 11Travailler du marteau, câest savoir tailler la pierre grĂące au marteau-taillant, lâoutil principal en dehors du maillet et du ciseau fig. 2. TrĂšs concrĂštement, cela veut dire ĂȘtre capable de gagner sa vie en exerçant le mĂ©tier. Car lâapprentissage nâappartient pas Ă lâassociation compagnonnique la formation initiale incombe aux familles qui placent les enfants en apprentissage ou lâeffectuent elles-mĂȘmes, de pĂšres Ă fils ou dâoncles Ă neveux. Hier comme aujourdâhui encore, mĂȘme si cela est moins perceptible, la voie du compagnonnage Ă proprement parler est celle du perfectionnement professionnel et non celle de lâapprentissage. Fig. 2. â DĂ©tail du frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon en date du 1er janvier 1782. Arch. dĂ©p. Vaucluse, 1J 647/4. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 12Faire preuve de capacitĂ© suffisante par une ou plusieurs piĂšces de traits » signifie que lâaspirant doit aussi dĂ©monter ses capacitĂ©s conceptuelles, via le dessin pour la coupe des pierres, câest-Ă -dire la gĂ©omĂ©trie appliquĂ©e Ă la taille des volumes. La stĂ©rĂ©otomie 13Car le trait » ou stĂ©rĂ©otomie est en rĂ©alitĂ© le savoir par excellence que cultivent les compagnons tailleurs de pierre. On le voit sobrement Ă©voquĂ© par un escalier et une niche sur le frontispice du rĂŽle de 1782 fig. 3. Fig. 3. â DĂ©tail du frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon en date du 1er janvier 1782. Arch. dĂ©p. Vaucluse, 1J 647/4. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 14Pour rappel, câest la maĂźtrise de cette science qui permettait aux architectes dâantan dâĂ©laborer tous les types de voĂ»tes nĂ©cessaires dans les bĂątiments fig. 4. Fig. 4. â Exemple dâouvrage de stĂ©rĂ©otomie planche du Cours dâarchitecture qui comprend les ordres de Vignole par Augustin-Charles dâAviler, Paris, 1691. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 15La connaissance de base est non seulement le dessin, mais aussi et avant tout la gĂ©omĂ©trie, ainsi que lâindique un autre dĂ©tail du frontispice oĂč lâon voit un livre traitĂ© de mathĂ©matiques et un dessin figurant un problĂšme de gĂ©omĂ©trie thĂ©orique fig. 3. 16Dans le rite rival des compagnons passants, celui des compagnons tailleurs de pierre Ă©trangers, mĂȘmes exigences bien sĂ»r quant aux futurs membres 9 RĂšglement particulier des compagnons Ă©trangers figurant dans un livret imprimĂ©, sans date vers 18 ... Il faudra ĂȘtre reconnu bon ouvrier, laborieux, intelligent, de bonne vie et mĆurs, justifier dâune bonne conduite de son passĂ©, possĂ©der les premiĂšres notions de gĂ©omĂ©trie, dessin ou coupe de pierre et en avoir au moins six mois dâĂ©tudes [âŠ]9 » Lire et Ă©crire 17La plupart des compagnons tailleurs de pierre dâantan savaient gĂ©nĂ©ralement lire et Ă©crire. Et ils nâĂ©taient pas seulement des utilisateurs des ouvrages techniques quâils se transmettaient de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, ils Ă©taient aussi des producteurs de livres. 10 Douliot, Cours Ă©lĂ©mentaire, thĂ©orique et pratique de construction. Voir MathoniĂšre, ... 18Je nâĂ©voquerai Ă ce titre que le remarquable exemple de Jean-Paul Douliot, dit la PensĂ©e dâAvignon, nĂ© Ă Avignon en 1788 et dĂ©cĂ©dĂ© dans la mĂȘme ville en 1834, au terme dâune trop brĂšve carriĂšre qui lâaura conduit, dâabord comme compagnon passant, des travaux du pont dâIĂ©na, puis, comme architecte et professeur, Ă lâenseignement de la coupe des pierres et de lâarchitecture Ă lâĂcole royale gratuite de dessin de Paris. De 1825 Ă sa mort, la PensĂ©e dâAvignon publiera plusieurs volumes dâun cours Ă©lĂ©mentaire, pratique et thĂ©orique de construction, comprenant un traitĂ© de coupe des pierres, un traitĂ© de charpente, un traitĂ© de gĂ©omĂ©trie et un ouvrage sur la stabilitĂ© des Ă©difices10. 19Mais les allusions aux savoirs cultivĂ©s par les tailleurs de pierre ne sâarrĂȘtent pas Ă la gĂ©omĂ©trie et Ă la stĂ©rĂ©otomie. Loin de là ⊠Les autres savoirs professionnels Lâarchitecture 20Les atlantes qui encadrent la scĂšne du frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon de 1782 fig. 1 nous rappellent que, finalement, ce nâest pas de taille de pierre quâil sâagit, mais bien dâarchitecture dans son ensemble. Ils proviennent directement du Cours dâarchitecture de Jacques-François Blondel, publiĂ© de 1771 Ă 1777. Le dessinateur du rĂŽle, Joseph Ponge, dit la Douceur dâAvignon, lâavait manifestement sous les yeux, tant la ressemblance est grande. Câest lui qui, quelques annĂ©es plus tard, construira le grand théùtre de Marseille, un projet validĂ© par Michel-Jean Sedaine, architecte, secrĂ©taire de lâAcadĂ©mie dâarchitecture de Paris, auteur dramatique reçu Ă lâAcadĂ©mie française en 1786 et⊠reçu compagnon passant tailleur de pierre vers 1740 sous le nom de la PensĂ©e de Paris. 11 Voir MathoniĂšre, Les avatars de maĂźtre Jacques ». Parmi les personnalitĂ©s rĂ©elles ou mythi ... 21Cet intĂ©rĂȘt pour lâarchitecture en gĂ©nĂ©ral se manifeste chez les compagnons dâantan par la possession frĂ©quente dâun exemplaire de la cĂ©lĂšbre rĂšgle » de Vignole sur les cinq ordres dâarchitecture, lâauteur ayant dâailleurs inspirĂ© une partie des traits de maĂźtre Jacques, lâun de leurs fondateurs lĂ©gendaires11. La gnomonique 22On remarque sans peine la prĂ©sence dâune sphĂšre armillaire et dâun globe cĂ©leste fig. 5. Ils font surtout allusion Ă la gnomonique. Cette derniĂšre faisait partie des savoirs que cultivaient les tailleurs de pierre, puisquâils rĂ©alisaient les cadrans solaires dont lâaristocratie de lâĂ©poque Ă©tait friande. Si câest souvent aux ecclĂ©siastiques quâincombaient le calcul et le tracĂ© des cadrans, les compagnons ne demeuraient pas en reste, ainsi quâen atteste un petit ouvrage de 22 pages publiĂ© en 1768, LâHorologiographe universel [âŠ] pour lâusage & la facilitĂ© des Compagnons tailleurs de pierre & Maçons, qui sont sur le tour de France. On ne saurait ĂȘtre plus explicite ! Fig. 5. â DĂ©tail du frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon en date du 1er janvier 1782. Arch. dĂ©p. Vaucluse, 1J 647/4. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 23MĂȘme sâil concerne aussi lâarpentage, câest principalement Ă la gnomonique que fait allusion le phare prĂ©sent au milieu du frontispice il est visiblement empruntĂ© au frontispice du plus cĂ©lĂšbre traitĂ© de lâĂ©poque, qui connut de nombreuses Ă©ditions entre 1641 et le dĂ©but du xviiie siĂšcle, celui du TraittĂ© dâhorlogiographie de Dom Pierre de Sainte-Marie Magdeleine fig. 6. Fig. 6. â Frontispice et page de titre du TraittĂ© dâhorlogiographie de Pierre de Sainte Marie-Madeleine, 1691. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre Lâarpentage 24Entre les globes du frontispice du rĂŽle des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon fig. 5 sont rangĂ©s plusieurs objets un cadran solaire, au demeurant du mĂȘme modĂšle graphique que ceux de lâopuscule de 1768, puis une boussole, un rapporteur et un graphomĂštre Ă pinnules, qui sont des instruments dâarpenteur. Outre ces derniers instruments et le phare, qui illustre nettement un lieu commun quâest le problĂšme de la mesure de la hauteur des points inaccessibles, lâarpentage est encore Ă©voquĂ© par divers dĂ©tails. On remarque ainsi, au-dessus de lâĂ©vocation de la stĂ©rĂ©otomie, le dessin dâune mĂ©thode basique dâarpentage employant deux rĂšgles et la mesure de lâangle quâelles forment. Sur la partie droite du frontispice, deux petits personnages Ă©voluent dans un verger. Lâun pousse une sorte de brouette câest un odomĂštre, instrument permettant de mesurer les distances ; lâautre porte une hotte sur le dos et sâappuie sur une canne câest un arpenteur qui plante rĂ©guliĂšrement ses jalons afin de fixer les points de mesure. 25Plusieurs documents permettent de constater la prĂ©sence de compagnons tailleurs de pierre parmi les arpenteurs aux xviiie et xixe siĂšcles. Leur connaissance de la gĂ©omĂ©trie et de ses applications leur permettait dâexercer sans difficultĂ© ce mĂ©tier, soit Ă part entiĂšre, soit, au moins, pour les implantations de bĂątiments. Lâexemple bien documentĂ© dâun compagnon parisien, Pierre Janson dit la Palme 1661-ca 1721, partant travailler en 1688 en Nouvelle-France comme tailleur de pierre et recevant en 1708 une commission dâarpenteur royal en ce pays, permet dâavancer lâhypothĂšse que les compagnons les plus instruits changeaient de profession au grĂ© des opportunitĂ©s les plus avantageuses ou, plus simplement, des possibilitĂ©s du moment tantĂŽt simples tailleurs de pierre, tantĂŽt architectes, ingĂ©nieurs ou arpenteurs, ils savaient aussi redevenir entrepreneurs en bĂątiment si nĂ©cessaire. Lâart des jardins 26Ă cĂŽtĂ© des deux globes du frontispice, on remarque un Ă©lĂ©gant personnage dans lâencadrement dâune allĂ©e de parc, avec au fond un jet dâeau sur un bassin circulaire. Lâart des jardins fait alors partie intĂ©grante de lâarchitecture â il est au demeurant liĂ© Ă lâarpentage â et câest aussi dans les parcs quâĂ cette Ă©poque, lâon pose les cadrans solaires fig. 7. Fig. 7. â Une planche et le frontispice du Cours dâarchitecture qui comprend les ordres de Vignole par Augustin-Charles dâAviler, Paris, 1691. ClichĂ©s Jean-Michel MathoniĂšre 27Ainsi, les savoirs professionnels cultivĂ©s par les compagnons tailleurs de pierre Ă la fin de lâAncien RĂ©gime Ă©taient la gĂ©omĂ©trie, la stĂ©rĂ©otomie, lâarchitecture, la gnomonique, lâarpentage et lâart des jardins. Le savoir-ĂȘtre 28Il est nĂ©cessaire de citer pour mĂ©moire le fait quâen mĂȘme temps que ces savoirs professionnels, les compagnons se transmettaient Ă©galement un savoir-ĂȘtre, des symboles, des rites et une gestuelle rituelle. 12 L. Bastard et MathoniĂšre, Travail et honneurâŠ, chap. La rĂ©ception des honnĂȘtes compagnons ... 13 MathoniĂšre, Lâancien compagnonnage germanique des tailleurs de pierre ». 29Enfin, il nâest sans doute pas inutile de prĂ©ciser que mĂȘme si la vision du rĂŽle Ă©tait rĂ©servĂ©e aux initiĂ©s12, les compagnons tailleurs de pierre français des xviiie et xixe siĂšcles ne se transmettaient pas de secrets dâordre technique. Si secret de mĂ©tier il a existĂ© auparavant, il touchait le trait », ainsi quâen attestent, par exemple, des articles du rĂšglement des compagnons tailleurs de pierre germaniques au xve siĂšcle13 ou, pour rester dans le domaine français, le titre mĂȘme dâun traitĂ© de Mathurin Jousse, publiĂ© en 1642, Le secret dâarchitecture dĂ©couvrant fidĂšlement les traits gĂ©omĂ©triques, coupes et desrobements nĂ©cessaires dans les bastiments. Mais depuis la publication en 1567 du premier tome de lâArchitecture par Philibert Delorme, le secret du trait Ă©tait dĂ©jĂ bien Ă©venté⊠Quels modes de transmission ? 14 RĂŽle de Bordeaux, 1778, article 1er du chap. II Les premiers dimanche de chaque mois, les Comp ... 30AprĂšs avoir dĂ©fini quels Ă©taient les savoirs en jeu, il convient de poser la question dans quel cadre et comment les compagnons se les transmettaient-ils ? PrĂ©cisons quâĂ cette Ă©poque nâexistaient pas ces siĂšges compagnonniques qui, aujourdâhui, regroupent restauration, hĂ©bergement et salles de cours. Chez les compagnons du xviiie siĂšcle, la fameuse mĂšre » Ă©tait simplement une aubergiste qui, outre des repas et un hĂ©bergement Ă prix prĂ©fĂ©rentiel, assurait aux compagnons la location dâune piĂšce pour y conserver le coffre de leur sociĂ©tĂ© et y tenir rĂ©union le premier dimanche de chaque mois14. Les cours de trait 31Ainsi que nous lâavons vu, le savoir professionnel par excellence Ă©tait â et est toujours â le trait pour la coupe des pierres. Selon les villes, son enseignement se faisait soit chez un ancien compagnon, qui percevait de ce fait une rĂ©munĂ©ration modique, soit dans un cours de dessin gratuit Ă destination des ouvriers, comme il sâen est créé dĂšs avant la RĂ©volution et durant tout le xixe siĂšcle. Cours chez les anciens 15 Voir MathoniĂšre, La TranquillitĂ© de Cau⊠32Pour ce qui est des cours donnĂ©s par les anciens, voici lâĂ©mouvant tĂ©moignage que nous offre le carnet de comptes tenu par Jean-Jacques LaurĂšs, dit la TranquillitĂ© de Caux15, durant son tour de France entre 1838 et 1842. Ă la date du 5 novembre 1839, il note quâil rentre en classe pour le trait chez le sieur Ablin dit la Vertu, compagnon passant maĂźtre maçon Ă Saintes » et dĂ©taille ses achats fig. 8 la premiĂšre semaine, 5 chandelles et 6 feuilles de papier ; deux semaines plus tard, le dimanche 19 novembre, il ajoute 4 livres de chandelles, 14 feuilles de papier de dessin, 2 crayons et un tire-ligne, 320 livres de plĂątre en pierre et enfin un peu de bois. Fig. 8. â Page du carnet de comptes du compagnon passant tailleur de pierre Jean-Jacques LaurĂšs. Archives privĂ©es. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 33Aux cours du soir, Ă la lumiĂšre des chandelles, sâen ajoutaient donc dâautres le dimanche aprĂšs-midi, seul rĂ©el moment de loisir de la semaine pour lâouvrier. 16 Voir MathoniĂšre, Compagnons de la maquette au chef-dâĆuvre », diaporama et communication ... 34Le plĂątre en pierre est employĂ©, une fois broyĂ©, Ă rĂ©aliser des maquettes afin de vĂ©rifier les Ă©pures. Cela Ă©voque nos actuels chefs-dâĆuvre16 rĂ©alisĂ©s en pierre, mais cela nâen a aucunement la fonction. 35On aura notĂ© la date Ă laquelle la TranquillitĂ© de Caux commence Ă suivre ses cours de trait câest le dĂ©but de la saison durant laquelle les journĂ©es de travail raccourcissent. On occupe ainsi Ă sâinstruire le temps gagnĂ©. Mais lâhiver est aussi la saison oĂč les intempĂ©ries peuvent gĂȘner le travail de la pierre. Certains compagnons occupent alors leur chĂŽmage Ă suivre des cours de trait. Cours du soir dans les Ă©coles de dessin 36Pour ce qui est des cours du soir institutionnels, jâai dĂ©jĂ Ă©voquĂ© ceux de lâĂcole royale gratuite de dessin, créée en 1767, oĂč enseigna Jean-Paul Douliot de 1818 Ă 1834. On sait par le tĂ©moignage de sa veuve toute lâattention quâil portait aux compagnons passants, notamment avignonnais, sâefforçant de les aider aussi dans la recherche dâemploi et soulageant leurs misĂšres de sa propre bourse. 37De tels cours de trait existaient dans dâautres grandes villes, soit dans le cadre dâĂ©coles religieuses en faveur des ouvriers ou de sociĂ©tĂ©s philomatiques, comme ici vers la fin du xixe siĂšcle Ă lâĂcole philomatique de Bordeaux fig. 9, soit encore dans les cours du soir dispensĂ©s par les Ă©coles des beaux-arts ou celles dâarts et mĂ©tiers, dont les professeurs Ă©taient souvent dâanciens compagnons. Fig. 9. â Cours de taille de pierre, de modelage et de sculpture Ă lâĂcole philomatique de Bordeaux, fin du xixe siĂšcle. Archives privĂ©es. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 38Voici, par exemple, la description par un architecte dâun cours dispensĂ© Ă titre privĂ© par un compagnon Ă©tranger, vers 1840-1845, Ă Paris 17 Chez les tailleurs de pierre, quâils soient du rite des passants ou de celui des Ă©trangers, le nom ... En mĂȘme temps que je faisais mes Ă©tudes dâarchitecture Ă lâĂcole des beaux-arts de Paris, je suivais, le soir, un cours de coupe des pierres. CâĂ©tait dans un vieux quartier central, mais trĂšs laid, oĂč, depuis, la dĂ©molition a fait son Ćuvre salutaire, et dans une sorte de boutique, Ă lâaspect un peu cabaret, servant de rĂ©union pour les tailleurs de pierre. Cette boutique Ă©tait comme le vestibule dâune grande piĂšce qui y faisait suite et qui Ă©tait une Ă©cole de trait professĂ©e par le trĂšs habile appareilleur bien connu alors sous son nom de compagnonnage, la Fleur de Coutras17, constructeur du pont de Neuilly entre autres, et que venaient souvent consulter les grands architectes. La Fleur de Coutras Ă©tait bien le type de ce que jâappellerai lâouvrier savant dans sa spĂ©cialitĂ©, simple et digne dans ses rapports aussi bien avec les architectes et les ingĂ©nieurs quâavec ses coopĂ©rateurs, inspirant le respect et la confiance Ă tous. 18 Gaspard George 1822-1908, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© acadĂ©mique dâarchitecture de Lyon, dans La Con ... Des modĂšles de toute espĂšce de coupes de pierres, voĂ»tes biaises, rampantes, encorbellements, pĂ©nĂ©trations, etc., garnissaient le pourtour de la piĂšce, et le maĂźtre nous faisait exĂ©cuter, en plĂątre bien entendu, ces diffĂ©rentes Ćuvres. Ce nâĂ©taient point de simples copies que nous avions Ă faire ; tout Ă©tait fondĂ© sur lâapplication exacte de la gĂ©omĂ©trie descriptive, et nous Ă©tions tout Ă©tonnĂ©s quâen suivant ses prescriptions nos Ćuvres en plĂątre arrivaient si nettement, je dirai presque si facilement, sans tĂątonnement, sans erreur, Ă rĂ©aliser ces coupes, Ă premier abord si compliquĂ©es18. » Les cours compagnonniques 39Dans le cours du xixe siĂšcle, les compagnons cherchĂšrent aussi Ă sâorganiser entre eux. Ainsi, en 1846, les compagnons passants tailleurs de pierre de Paris montĂšrent-ils un cours de trait dont le rĂšglement nous fournit de prĂ©cieuses indications quant Ă son organisation et Ă lâidĂ©e qui y prĂ©side lutter contre la perte dâinfluence de leur sociĂ©tĂ© compagnonnique. 40Son prĂ©ambule fait table rase de certaines visions par trop romantiques. Il prĂ©cise en effet que 19 DâaprĂšs un document des archives de la Chambre des compagnons passants tailleurs de pierre de Pari ... [âŠ] Comme tous les compagnons ont Ă©tĂ© jusquâalors libres de sâinstruire selon leur propre vue, ils sont tombĂ©s, les uns dans la dĂ©bauche du vin et des femmes, les autres, plus studieux, se sont instruits, chose assez rare. Mais le libre exercice de ce temps si prĂ©cieux peut ĂȘtre employĂ© plus utilement pour lâinstruction de chaque Compagnon ce qui ne peut que donner un trĂšs beau relief a notre sociĂ©tĂ©, et nous procurer une foule dâhommes trĂšs capables. Car depuis quelques annĂ©es les sciences et les arts se propagent, lâĂ©tude est une mode acceptĂ©e par tout le monde, ce qui tend Ă amoindrir nos lumiĂšres, les mĆurs changent. Eh bien, courons au-devant du progrĂšs ! Oui mes chers Coteries, pour que lâillusion continue, pour que la fraternitĂ© qui unit tous les Compagnons continue son rĂšgne telle quâelle a existĂ© pendant des milliers dâannĂ©es, il faut une Ă©tude sĂ©rieuse qui nous Ă©lĂšve et nous fasse rechercher. Si nous le faisons, ce temps pesant et ennuyeux par lâoisivetĂ© deviendra un passe-temps agrĂ©able. Plus de ces flĂąneries perpĂ©tuelles, plus de ces folles pensĂ©es qui dĂ©gradent lâesprit. Car le travail diminue les passions, augmente les vertus et prĂ©pare un ouvrier honorable19. » 41Plusieurs articles insistent sur lâenseignement mutuel que se doivent, bĂ©nĂ©volement, les compagnons Article 3. â Pour ne pas avoir de profusion de maĂźtres, ce qui deviendrait trop coĂ»teux, on dĂ©montrera le dessin et la coupe de pierre ensemble [tous niveaux confondus], mais les Compagnons les plus instruits sur la coupe de pierre devront en faire part aux autres sans prĂ©tendre aucune diminution sur le prix de la classe et que ceux qui feront la coupe de pierre payeront, comme ceux qui feront le dessin, ce qui fera une diminution sur le prix de lâĂ©cole. » Article 5. â Lâenseignement sera censĂ© mutuel en lâabsence du maĂźtre, câest-Ă -dire que les plus avancĂ©s donneront des conseils aux moins forts, sans cependant que lâon enseigne ceux qui perdent leur temps. » 20 Ibid. Article 9. â Tout jeune Compagnon rĂ©sidant Ă Paris sera tenu de venir Ă lâĂ©cole pour sâinstruire sauf quâil ne soit assez fort sur les parties que lâon dĂ©montrera, auquel cas il aura le droit de sây refuser en montrant ses dessins, ou que les Compagnons attestent de son savoir. Mais il devra se rendre utile pour lâĂ©cole par ses lumiĂšres [âŠ]20 » Les dĂ©fis 21 Voir C. Braquehaye, DĂ©fi des compagnons âpassantsâ et des compagnons âĂ©trangersâ jugĂ© par lâAcad ... 22 L. Bastard et MathoniĂšre, Travail et honneurâŠ,, p. 338-340. 42Ces cours trouvaient un prolongement dans les dĂ©fis que se lançaient parfois les compagnons des deux rites ennemis, les passants dâun cĂŽtĂ©, les Ă©trangers de lâautre. Si des luttes sanglantes les opposaient frĂ©quemment autour de grands chantiers, pour avoir le monopole des embauches, il arrivait quâils cherchent Ă vider leurs querelles par le biais de dĂ©fis de stĂ©rĂ©otomie. Chaque clan possĂ©dait ses champions qui traçaient les Ă©pures et taillaient les maquettes en plĂątre. Ainsi, en 1771 Ă Bordeaux, semblable dĂ©fi oppose la RĂ©jouissance de Tarascon et la PensĂ©e de Sainte-Foy21. En 1784, la Douceur dâAvignon, le dessinateur du frontispice de 1782, signe en tant quâarchitecte-ingĂ©nieur le rĂšglement dâun concours devant ĂȘtre jugĂ© par les membres de lâAcadĂ©mie dâarchitecture de Paris22. Il sâagit tout autant, sinon plus, dâarchitecture que de coupe des pierres. En 1826 encore, semblable concours se tient Ă Paris, se concluant par la fuite du compagnon passant, pris en flagrant dĂ©lit de tricherie. Lâaffaire est longuement rapportĂ©e par Agricol Perdiguier dans ses MĂ©moires dâun compagnon. Le concours, dont le rĂšglement avait Ă©tĂ© enregistrĂ© devant notaire, opposait deux champions dĂ©signĂ©s par leurs sociĂ©tĂ©s Bertrand Caron, dit la Fleur de Coutras citĂ© plus haut, note 17, pour les compagnons Ă©trangers, et un dĂ©nommĂ© Saint-Martin pour les compagnons passants. Les deux concurrents entrĂšrent dans des chambres gardĂ©es par leurs rivaux le 8 aoĂ»t 1826, pour rĂ©aliser chacun deux modĂšles en plĂątre, lâun selon un projet fixĂ© par sa sociĂ©tĂ© compagnonnique, lâautre par la sociĂ©tĂ© rivale. Mais le 6 novembre 1826, un procĂšs-verbal constate que le compagnon passant avait trichĂ©, des membres de son compagnonnage lui ayant fait passer par un trou percĂ© dans le mur des toilettes des objets prohibĂ©s par le rĂšglement du concours. Saint-Martin prend la fuite et la Fleur de Coutras est donc proclamĂ© vainqueur de ce concours. Le tour de France et lâĂ©mulation 43De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la fraternitĂ© compagnonnique offrait un cadre idĂ©al Ă lâĂ©mulation. Il nâĂ©tait nul besoin de crĂ©er des cours spĂ©cifiques pour ces autres savoirs quâĂ©taient lâarchitecture, la gnomonique, lâart des jardins ou lâarpentage. Les jeunes compagnons cĂŽtoyaient durant leur tour des anciens » installĂ©s comme entrepreneurs, architectes ou ingĂ©nieurs, qui leur offraient tout Ă la fois des modĂšles sociaux et, le cas Ă©chĂ©ant, des enseignements dans telle ou telle spĂ©cialisation. 23 Voir MathoniĂšre, Joseph TeulĂšre 1741-1824 ou la quĂȘte des lumiĂšres ». 24 Voir MathoniĂšre, Jean-Paul Douliot⊠». 44On conserve des tĂ©moignages intĂ©ressants de cette Ă©mulation, telle lâincessante quĂȘte du savoir de Joseph TeulĂšre 1750-1824, qui, orphelin de pĂšre Ă lâĂąge de dix ans, dĂ©bute son parcours comme compagnon passant tailleur de pierre, suit des cours du soir Ă lâAcadĂ©mie dâarchitecture de Paris, obtient en 1776 un poste dâingĂ©nieur maritime Ă Bordeaux, surĂ©lĂšve le phare de Cordouan, entretient des contacts avec Gaspard Monge, devient ingĂ©nieur-constructeur de la Marine, est nommĂ© en 1800 directeur des travaux maritimes Ă Rochefort et adresse alors Ă un nĂ©gociant de son village natal, Montagnac Lot-et-Garonne, un courrier oĂč il raconte en dĂ©tail son parcours pour inciter les jeunes gens Ă ne cesser de sâinstruire23. Ou encore lâimportante production de traitĂ©s thĂ©oriques et pratiques relatifs Ă la construction charpente, taille de pierre, stabilitĂ© des Ă©difices, gĂ©omĂ©trie descriptive, dessin de Jean-Paul Douliot 1788-1834, dit la PensĂ©e dâAvignon, compagnon passant tailleur de pierre, architecte et professeur dâarchitecture Ă lâĂcole royale gratuite de dessin de Paris24. 45De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il convient de ne pas sous-estimer la transmission par le biais des livres, nombre de compagnons sachant correctement lire et Ă©crire. LâidĂ©al vitruvien hĂ©ritĂ© de la Renaissance 25 Le premier tome de lâarchitecture de Philibert de LâOrme [âŠ], fol. 51 vo. 26 Voir MathoniĂšre, Le Serpent compatissant⊠46On soulignera enfin que lors de la cĂ©rĂ©monie de la rĂ©ception dans la confrĂ©rie compagnonnique, la vision sacralisĂ©e du rĂŽle situait la quĂȘte du savoir sur un piĂ©destal. On retrouve lĂ un idĂ©al vitruvien », et chrĂ©tien, qui est clairement expliquĂ© par Philibert de lâOrme Ă propos dâune gravure de son Premier tome de lâarchitecture25. On y voit, compas en main, un architecte sortir dâune caverne, symbolisant le lieu obscur de la mĂ©ditation et des Ă©tudes. La devise latine proclame De mille peines et mille empĂȘchements est retardĂ© lâArtisan docte et sage, quand par son Art, savoir et instruments, il cherche vers la Palme le passage ». Des trois pages dâexplications que lâauteur consacre Ă cet emblĂšme de sa composition, je ne retiendrai que ce qui concerne la palme, figurĂ©e par le palmier câest le but auquel doit viser lâartisan et elle signifie gloire, honneur et victoire26. Et ce but est atteint grĂące au savoir. 27 Ibid. 47On retrouve lâessentiel de cette thĂ©matique vitruvienne dans le blason mĂȘme des compagnons tailleurs de pierre27. Celui des compagnons passants dâAvignon, dont le plus ancien actuellement recensĂ© date de vers 1710 fig. 10, en prĂ©sente lâexemple le plus synthĂ©tique entre les palmes, compas, Ă©querre et rĂšgle sont entrecroisĂ©s, symbolisant la gĂ©omĂ©trie, connaissance fondamentale, tandis quâune couleuvre les entrelace Ă©troitement, symbolisant la Prudence, au sens ancien de lâexpĂ©rience acquise. Au-dessus, un phylactĂšre porte la devise Labor â Honor », travail et honneur ». Fig. 10. â Blason des compagnons passants tailleurs de pierre dâAvignon. DĂ©tail du rĂŽle de vers 1710. Arch. dĂ©p. Vaucluse, 1J 647/2. ClichĂ© Jean-Michel MathoniĂšre 48En conclusion, trois points sont Ă retenir. 49Si la transmission des savoirs constitue aujourdâhui lâaspect le plus remarquable des compagnonnages, ce nâest toutefois pas lĂ leur vocation originelle, qui Ă©tait la solidaritĂ© fraternelle. La naissance des sociĂ©tĂ©s de secours mutuels, puis des caisses de retraite et enfin de la sĂ©curitĂ© sociale est peu Ă peu venue grignoter cette part de leur raison dâĂȘtre, laissant ainsi place Ă lâexpansion de la transmission professionnelle, qui est en quelque sorte un heureux dommage collatĂ©ral ». 50Secundo, jâespĂšre vous avoir convaincu de lâimportance quâil y a de conjuguer au pluriel ce singulier phĂ©nomĂšne quâest le compagnonnage, pour ce qui concerne ses multiples manifestations dans lâhistoire. Ne succombons pas Ă la tentation de certaines lectures anthropologiques, qui, Ă force de schĂ©matiser, rĂ©duisent le champ des connaissances plutĂŽt quâelles ne lâouvrent. 51Enfin, nous avons entraperçu lâĂ©tendue des savoirs que les compagnons tailleurs de pierre cultivaient sous lâAncien RĂ©gime. Ce faisant, ils sâefforçaient en quelque sorte de mettre en pratique lâinjonction de Vitruve dans De Architectura, Ă propos des qualitĂ©s que lâarchitecte doit possĂ©der 28 Vitruve, De lâarchitecture, livre I, chap. 1 et 3. Il faut quâil ait de la facilitĂ© pour la rĂ©daction, de lâhabiletĂ© dans le dessin, des connaissances en gĂ©omĂ©trie ; il doit avoir quelque teinture de lâoptique, possĂ©der Ă fond lâarithmĂ©tique, ĂȘtre versĂ© dans lâhistoire, sâĂȘtre livrĂ© avec attention Ă lâĂ©tude de la philosophie, connaĂźtre la musique, nâĂȘtre point Ă©tranger Ă la mĂ©decine, Ă la jurisprudence, ĂȘtre au courant de la science astronomique, qui nous initie aux mouvements du ciel28. »| Իгá«ÖáÏ Đ°ŃĐ»ŃáčĐž | Î áÏ á ŃĐČŃŃŃŃ | ŐÖĐșá„ Đ”Î¶Ö ĐČĐžŐ±áÖ | áŻÏĐŸŃ ĐłĐžÏĐŸ |
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Parmiles tailleurs de pierre qui sculptaient les images des cathĂ©drales, il y avait des hommes d'un talent supĂ©rieur, qui semblent ĂȘtre demeurĂ©s toujours confondus dans la masse des compagnons ; ils ne produisaient pas moins des chefs-dâĆuvre. â (Georges Sorel, RĂ©flexions sur la violence, Chap.VII, La morale des producteurs, 1908, p.360) Le compagnon est lâouvrierDĂ©finition, traduction, prononciation, anagramme et synonyme sur le dictionnaire libre Wiktionnaire. Français[modifier le wikicode] Forme de nom commun [modifier le wikicode] Singulier Pluriel chef-dâĆuvre chefs-dâĆuvre \ chefs-dâĆuvre \ masculin Pluriel de chef-dâĆuvre. Parmi les tailleurs de pierre qui sculptaient les images des cathĂ©drales, il y avait des hommes dâun talent supĂ©rieur, qui semblent ĂȘtre demeurĂ©s toujours confondus dans la masse des compagnons ; ils ne produisaient pas moins des chefs-dâĆuvre. â Georges Sorel, RĂ©flexions sur la violence, La morale des producteurs, 1908, chapitre VII, page 360 Entrois siĂšcles, entre 1050 et 1350, prĂšs dâune cenÂtaine de cathĂ©drales ont surgi de terre en France. Commanditaires et donÂneurs dâordres, lâĂ©vĂȘque et les chanoines tiennent les
27avr. 2020 - Découvrez le tableau "Métiers,Compagnons,Compagnonnage et chef-d'oeuvre" de Mcourtot sur Pinterest. Voir plus d'idées sur le thÚme compagnonnage, chef d oeuvre, compagnon.
PubliĂ© le 13/04/2010 Ă 9h25 La mairie de Touvre accueille jusqu'au 7 juin une exposition des Compagnons du devoir. Anthony Bertin, prĂ©vĂŽt du Centre de L'Isle-d'Espagnac a expliquĂ© lors du vernissage de l'exposition vendredi 9 avril, les diffĂ©rents mĂ©tiers exercĂ©s par les Compagnons devant plusieurs Ă©lus, Martine Pinville, dĂ©putĂ©e, Jacques Persyn, conseiller gĂ©nĂ©ral, Marie Marion, maire adjointe d'AngoulĂȘme, Jean-Claude Besse, maire de L'Isle-d'Espagnac. Cinquante-deux centresLe compagnonnage existe depuis la nuit des temps ; au Moyen-Ăge, ses membres furent des bĂątisseurs de villes et de cathĂ©drales. Actuellement, cette association nationale loi 1901 comporte 84 structures dont 52 Centres de formation d'apprentis CFA. Les jeunes, garçons et filles, de 16 Ă 27 ans, sont en apprentissage pour devenir charpentiers, menuisiers, couvreurs, plombiers, tailleurs de pierre, mĂ©talliers, boulangers et pĂątissiers. Ils travaillent en entreprises en contrat de professionnalisation et suivent dans les Centres des cours dispensĂ©s par leurs aĂźnĂ©s devenus formateurs ou maĂźtres de stages afin de passer des diplĂŽmes nationaux en candidats parcours de six ansDans la salle du Conseil de la mairie de Touvre sont exposĂ©s des travaux et des maquettes rĂ©alisĂ©es par les jeunes, de vĂ©ritables chefs-d'Ćuvre, notion de l'aboutissement d'un parcours initiatique. Ă l'intĂ©rieur de la communautĂ©, les Ă©tapes se succĂšdent. Au dĂ©but, on est apprenti appelĂ© lapin » puis stagiaire aspirant et enfin communautĂ© est un lien entre les diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations, les diffĂ©rents mĂ©tiers, les diffĂ©rentes origines. Le Voyage » dure en moyenne six ans avec des sĂ©jours de quatre Ă sept mois dans chaque ville, une ville en hiver, une autre en Ă©tĂ©. Ce parcours permet au jeune d'accumuler des expĂ©riences professionnelles et autre façon d'enseignerAu moment de devenir Compagnon, la connaissance du mĂ©tier se mesure dans la rĂ©alisation d'un travail de rĂ©ception » appelĂ© chef-d'Ćuvre ».Brigitte Baptiste, maire de Touvre a Ă©tĂ© sĂ©duite par la proposition de cette exposition Ă©mise par son adjoint, Laurent Avonde. Je trouve trĂšs intĂ©ressant de faire dĂ©couvrir une autre façon d'enseigner, j'ai pensĂ© que cela valait la peine de montrer cela aux jeunes, l'exposition sera visitĂ©e par des scolaires », confie- t-elle. Dailleurs, un rapport postĂ©rieur du commandant de gendarmerie Ă©voque, lui, les « compagnons de maĂźtre Jacques » et rĂ©tablit ainsi le vĂ©ritable intitulĂ© des Compagnons Passants tailleurs de pierre du Devoir, le seul usitĂ© par eux Ă cette Ă©poque. Conclusion : il faut se mĂ©fier des sources extĂ©rieures au Compagnonnage, surtout lorsquâelles font Ă©tat de termes propres aux RĂ©sumĂ© Yvan Vigouroux, jeune tailleur de pierre au Centre d ' Ă©tudes alexandrines, doit rĂ©aliser un chef-d ' oeuvre pour prouver ses compĂ©tences et devenir Compagnon du tour de France. Il a choisi de rĂ©aliser un mihrab, piĂšce d ' architecture islamique, niche orientĂ©e vers La Mecque dans une mosquĂ©e. AprĂšs des recherches dans plusieurs monuments du Caire, il conçoit son mihrab sur ordinateur. Les pierres sont ensuite commandĂ©es dans une carriĂšre, et les outils nĂ©cessaires au travail forgĂ©s par Yvan. Le travail de taille peut alors commencer il durera environ mille heures, soit sept mois. Le film dĂ©taille les diffĂ©rentes Ă©tapes de la conception, de la taille et de la pose du mihrab, Ă©tapes commentĂ©es par le tailleur de pierre, qui nous livre parallĂšlement ses rĂ©flexions sur le Compagnonnage et nous explique le parcours d ' un Compagnon du tour de France. Production RĂ©fĂ©rents scientifiques Laboratoires Instituts DĂ©lĂ©gations Cq4e2. 268 407 320 173 440 437 21 458 478